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Digital Markets Act - Une loi globale pour briser les monopoles et réglementer les grands groupes (Gafam & Co.)

Nicolas Verlhiac : photo de l'auteur de l'article
Nicolas Verlhiac
 L'UE adopte une loi globale sur le numérique pour réglementer les géants de la tech tels qu'Apple, Amazon, Meta et Google, avec le Digital Markets Act.

Au lieu de procédures individuelles difficiles, l’UE adopte désormais une loi globale sur le numérique. Elle devient ainsi la pionnière mondiale en matière de règles pour les très grandes entreprises du secteur tech.

L’UE fait pression sur les géants de la technologie comme Apple, Amazon, Meta et Google : les grands groupes et plateformes tech seront probablement davantage réglementés dans l’UE. Le Digital Markets Act (DMA) contient entre autres des directives qui obligent l’ouverture de certains monopoles. Tout le monde ne voit pas cette loi d’un bon œil (devinez qui ?).

Pourquoi l’UE a-t-elle besoin de la loi sur les marchés numériques ?

Des monopoles qui inquiètent

Les grandes entreprises de l’Internet, en particulier les cinq groupes américains Google, Amazon, Meta (ex-Facebook), Apple et Microsoft, contrôlent désormais non seulement leurs marchés principaux, mais utilisent également le contrôle de leurs plateformes pour pénétrer de plus en plus de nouveaux marchés et créer ainsi des écosystèmes entiers auxquels les utilisateurs sont de fait enchaînés.

L’affaire « Google Shopping » en est un bon exemple : Google avait systématiquement mieux placé son portail de comparaison de prix Shopping dans son propre moteur de recherche, désavantageant ainsi la concurrence et « s’appropriant » également le marché des portails de comparaison de prix. C’est précisément ce genre de situation que le DMA doit empêcher à l’avenir.

L’UE veut désormais fixer des limites aux groupes qui comptent plus de 45 millions d’utilisateurs sur des services numériques et briser les structures monopolistiques. À partir d’une valeur d’entreprise de plus de 75 milliards de dollars US, ou d’un chiffre d’affaires de plus de 7,5 milliards d’euros provenant d’activités au sein de l’UE, des règles nettement plus strictes s’appliquent conformément à la nouvelle loi. Cela concerne, par exemple, la préférence de ses propres produits et services par rapport aux alternatives de la concurrence ou une limitation à ses propres places de marché :

  • l’App Store d’Apple pour les iPhone/iPad
  • Edge pour Microsoft
  • Android avec Google

Qu’en est-il du droit de la concurrence pour ce type de cas ?

Jusqu’à présent, la Commission européenne a effectivement agi a posteriori, c’est-à-dire après avoir constaté des infractions à la concurrence, contre les entreprises. Le problème est que de telles procédures - Google Shopping en est encore un bon exemple - durent des années, voire plus d’une décennie. Sur un marché en évolution rapide comme Internet, il est depuis longtemps trop tard pour la concurrence. Avec le DMA, la Commission dispose donc d’un instrument lui permettant d’agir a priori, c’est-à-dire avant que le mal ne soit fait.

Des sanctions sévères (sur le papier)

En cas d’infraction, des sanctions sévères sont prévues si un groupe de gatekeepers refuse d’accepter les nouvelles règles. Les amendes prévues s’élèvent à 10 % du chiffre d’affaires annuel mondial, voire 20 % en cas d’infractions répétées. En juillet, le Parlement européen doit encore confirmer le Digital Markets Act dans sa forme finale, un dernier vote étant prévu à cet effet. L’entrée en vigueur est prévue pour 2023.

En dehors des amendes exorbitantes, le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, a tenu à ce que le démantèlement des groupes soit inscrit comme option dans le DMA. Elle n’y est toutefois prévue qu’en cas de violations systématiques. La Commission peut aussi, dans un premier temps, « seulement » leur interdire de racheter d’autres entreprises.

Bien que ces sanctions soient sévères, elles n’en restent pas moins supposées, quid de leurs applications et de la capacité de contrôle ?

Renforcement de l’interopérabilité ou comment faire cesser les abus de positions dominantes

Premièrement, les groupes ne pourront plus privilégier d’autres entreprises et services appartenant au même groupe. Cela implique également le renforcement de l’interopérabilité. En voici quelques exemples :

  • Le système d’exploitation Android de Google ne doit pas privilégier la recherche Google.
  • Amazon ne doit pas privilégier les produits qu’il vend lui-même.
  • WhatsApp, Facebook Messenger et iMessage doivent à l’avenir s’ouvrir à la réception de messages provenant de messageries plus petites.

L’intention derrière l’exigence de l’interopérabilité est claire : l’UE ne veut pas de plateformes aussi puissantes que Google ou Amazon, aucun service ne doit être contraint à être utilisé par une majorité. Pour les plates-formes plus petites, on veut laisser aux opérateurs le soin de décider s’ils veulent s’ouvrir à la concurrence.

En revanche, les entreprises concernées voient la loi d’un œil critique (curieusement). Apple, par exemple, estime que certaines dispositions du DMA créeraient des failles inutiles en matière de protection des données et de sécurité pour les utilisateurs.

Au menu, l’UE compte interdire aux entreprises concernées toute une série de comportements très concrets. Notamment, l’article 5 qui contient une sorte de « liste noire » avec des interdictions strictes et l’article 6 qui dresse une « liste grise » un peu plus vague. La vingtaine de comportements concernés se nourrit essentiellement des affaires de cartel des dernières années.

Une loi au service des PME et des citoyens européens

Un marché avec plus de concurrence pour les PME européenne

Les petites et moyennes entreprises européenne devraient payer moins de frais de commissions pour leurs offres dans les App Stores. Des commissions de 30%, comme celles prélevées par Apple, ne devraient plus être possibles. Elles auront accès aux données générées par les consommateurs lors de l’utilisation de leurs services sur une plateforme Internet. Les éditeurs et autres annonceurs devraient pouvoir comprendre qui voit leur publicité et, de manière générale, obtenir davantage d’informations sur l’impact de leur publicité.

Et concrètement pour les citoyens européens ?

Tout d’abord, cela signifie avant tout que la concurrence sur Internet sera renforcée. Les citoyens peuvent donc espérer des offres plus avantageuses ou - après tout, de nombreuses offres Internet sont de toute façon « gratuites », du moins à première vue - de meilleures offres.

L’un des objectifs est d’offrir une plus grande liberté de choix. Par exemple, les utilisateurs doivent pouvoir décider eux-mêmes quel navigateur, quel assistant virtuel, quel moteur de recherche ils veulent utiliser.

Cela signifie, par exemple, qu’un smartphone équipé du système d’exploitation Android de Google ne doit plus avoir automatiquement le navigateur Chrome de Google comme application par défaut. Au lieu de cela, il devrait y avoir un écran de sélection lors de la configuration de l’appareil. Il en va de même pour les stores d’applications.

Il sera peut-être possible à l’avenir d’installer des applications par d’autres moyens que les stores d’applications officiels des fabricants Google et Apple. Apple, en particulier, s’y est toujours massivement opposé.

Un autre point est l’utilisation des données personnelles à des fins publicitaires. Selon le DMA, les jeux de données individuels ne peuvent être combinés entre eux que si l’utilisateur y consent expressément.

Cela signifie que celui qui utilise, par exemple, le service de santé d’un grand groupe de montres connectées doit pouvoir choisir si les données qui en résultent peuvent être combinées avec les données d’autres services du groupe.