Système Entry/Exit européen (EES) : nouvelle ère du contrôle aux frontières en 2025
L'Union européenne déploie le 12 octobre 2025 son système Entry/Exit (EES), remplaçant les tampons manuels par une collecte biométrique automatisée pour tous les voyageurs non-européens.


L’Union européenne déploiera le système Entry/Exit (EES) le 12 octobre 2025. Cette infrastructure informatique automatisée remplacera définitivement les tampons manuels sur les passeports et introduira la collecte systématique de données biométriques pour tous les ressortissants non-européens effectuant des séjours de courte durée.
Concrètement, chaque voyageur non-européen devra fournir ses empreintes digitales et une photographie faciale à chaque entrée dans l’espace Schengen, modifiant l’expérience de voyage et les obligations des entreprises.
Cette transformation numérique implique des adaptations opérationnelles pour les entreprises gérant des données de voyageurs, les organisations traitant avec des partenaires internationaux, et l’ensemble des acteurs concernés par la protection des données personnelles et la sécurité informatique.
Le système concernera tous les pays de l’espace Schengen ainsi que la Suisse, qui a notifié sa participation le 17 janvier 2018 selon le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) et adapte actuellement son infrastructure frontalière pour se connecter à la base de données centrale européenne.
Décryptons les enjeux techniques, réglementaires et opérationnels de ce système qui redéfinira les contrôles aux frontières dans 29 pays européens.
Architecture et fonctionnement du système EES
Infrastructure technique centralisée
Le système Entry/Exit repose sur une architecture informatique centralisée gérée par l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle (eu-LISA). Cette infrastructure interconnecte les points de contrôle frontaliers de l’espace Schengen et des pays associés.
Cette infrastructure s’articule autour de quatre composants techniques principaux : une base de données centralisée européenne stockant toutes les informations, des systèmes de capture biométrique déployés aux frontières, une interface d’interrogation sécurisée pour les autorités, et des mécanismes de détection automatisée des dépassements de séjour.
Processus de collecte des données
Lors de chaque passage frontalier, le système EES enregistrera automatiquement trois catégories d’informations. Les données d’identité comprennent le nom complet, les identifiants personnels, le type et numéro du document de voyage, ainsi que la nationalité et le pays de résidence du voyageur.
La collecte biométrique constitue la nouveauté majeure : empreintes digitales des quatre doigts de chaque main, photographie faciale haute résolution et génération d’un template biométrique pour la reconnaissance automatisée future.
Enfin, les données de voyage horodatent précisément chaque mouvement : date, heure et lieu d’entrée/sortie, durée autorisée de séjour calculée automatiquement, et motif du voyage déclaré.
Mécanisme de détection automatique
Le système EES calcule automatiquement la durée de séjour autorisée selon la règle européenne des 90 jours sur toute période glissante de 180 jours. Il génère des alertes en temps réel notamment en cas de dépassement de la durée autorisée, de tentative d’entrée avec interdiction en cours, ou d’incohérences détectées dans les données de voyage.
Défis techniques et contraintes de mise en œuvre
Architecture distribuée et performances
Le déploiement de l’EES nécessite une synchronisation de 29 systèmes nationaux avec la base centrale eu-LISA. Chaque point de contrôle frontalier doit traiter les requêtes biométriques en moins de 15 secondes pour maintenir la fluidité, nécessitant une infrastructure réseau redondante et des serveurs de sauvegarde locaux.
Gestion des volumes de données
L’EES traitera approximativement 700 millions de franchissements annuels selon les estimations de la Commission européenne. Le système doit gérer des pics de trafic de 300% lors des périodes estivales, avec des mécanismes de répartition de charge et de mise en file d’attente sophistiqués.
Interopérabilité biométrique
La standardisation des capteurs biométriques constitue un défi technique majeur. Les équipements doivent respecter les normes ISO/IEC 19794 pour les empreintes digitales et ISO/IEC 19795 pour la reconnaissance faciale, tout en assurant une qualité d’image uniforme entre les différents fabricants et conditions d’éclairage.
Continuité de service et procédures dégradées
En cas de panne du système central, des procédures manuelles de sauvegarde restent nécessaires. Chaque poste frontalier dispose de protocoles de basculement vers un mode dégradé avec enregistrement local temporaire et synchronisation différée, maintenant la sécurité sans bloquer les flux de voyageurs.
Implications pour la sécurité et la conformité
Renforcement de la sécurité frontalière
L’EES apporte des capacités de sécurisation significativement améliorées grâce à la vérification biométrique en temps réel. Le système compare automatiquement les données avec les bases existantes et identifie les tentatives d’usurpation d’identité, renforçant considérablement la détection de fraude documentaire.
Concernant la lutte contre l’immigration irrégulière, l’EES assure une traçabilité complète des mouvements transfrontaliers avec détection automatisée des dépassements de séjour et signalement proactif aux autorités compétentes.
L’interconnexion technologique constitue un autre atout majeur : interface directe avec le Système d’information Schengen (SIS), compatibilité future avec l’ETIAS pour les autorisations de voyage, et intégration complète dans l’écosystème européen de sécurité.
Enjeux de protection des données personnelles
Ce système de collecte biométrique à grande échelle génère des obligations de conformité spécifiques :
La mise en œuvre de l’EES génère des obligations de conformité strictes au regard du RGPD :
Le volume et la sensibilité des données soulèvent des enjeux majeurs : traitement de données biométriques classées en catégorie spéciale sous le RGPD, conservation pendant 3 ans après le dernier voyage conformément au règlement (UE) 2017/2226, et transferts transfrontaliers automatisés entre tous les États membres.
Concernant les droits des personnes concernées, l’information obligatoire sur la collecte biométrique doit être assurée, ainsi que le droit d’accès aux données enregistrées et les procédures de rectification en cas d’erreur. Des exemptions restent possibles pour les résidents longue durée et détenteurs de visas spéciaux.
À retenir : Les entreprises recevant régulièrement des visiteurs non-européens (conférences, formations, missions) doivent revoir leurs processus d’accueil pour intégrer ces nouveaux délais.
Impact opérationnel pour les entreprises
Secteurs directement concernés
Transport et logistique :
- Compagnies aériennes et gestionnaires d’aéroports
- Entreprises de transport routier transfrontalier
- Opérateurs ferroviaires internationaux
Tourisme et hôtellerie :
- Agences de voyage et tour-opérateurs
- Hôtels et centres de congrès internationaux
- Gestionnaires d’événements avec participants non-UE
Services aux entreprises :
- Cabinets de conseil international
- Entreprises avec missions fréquentes hors UE
- Organisateurs de formations et séminaires
Adaptations organisationnelles nécessaires
La gestion des temps d’attente constitue un défi majeur : les premières entrées nécessiteront un enregistrement biométrique complet avec 15-30 minutes supplémentaires lors de la période de rodage de 6 mois. Il devient essentiel d’informer les voyageurs sur ces nouvelles procédures, d’adapter les plannings et processus logistiques, tout en gérant le maintien temporaire du tamponnage manuel en parallèle.
La formation des équipes s’impose également : sensibilisation aux nouvelles procédures frontalières, compréhension des implications pour l’accompagnement client, et mise à jour complète des guides et documentation voyage.
Actions concrètes pour les organisations
Actions immédiates à engager dès maintenant :
- Cartographier vos flux de voyageurs : Identifier combien de collaborateurs, clients ou partenaires non-européens franchissent les frontières UE annuellement
- Revoir vos processus d’accueil : Prévoir 15-30 minutes supplémentaires pour les premiers passages frontaliers de vos invités
- Actualiser votre documentation voyage : Intégrer les nouvelles procédures dans vos guides d’accueil et notes de frais
- Anticiper les questions clients : Préparer des réponses sur la collecte biométrique et la confidentialité des données
- Planifier une formation équipes : Sensibiliser vos collaborateurs aux nouveaux délais et contraintes opérationnelles
L’EES dans l’écosystème numérique européen
Une brique d’un projet plus large
L’EES constitue la première étape d’une transformation globale des frontières européennes qui s’échelonnera jusqu’en 2026 :
La synergie avec l’ETIAS représente l’étape suivante : ce système d’autorisation de voyage prévu pour octobre 2026 selon la feuille de route de la Commission européenne permettra un pré-contrôle des voyageurs avant leur départ, réduisant les contrôles physiques aux frontières.
L’évolution vers les frontières intelligentes s’accélérera avec l’automatisation progressive des contrôles, l’intégration de la reconnaissance faciale en temps réel, et une fluidification notable pour les voyageurs réguliers.
Défis technologiques et opérationnels
La robustesse du système constituera un enjeu critique : gestion des pics de trafic lors des périodes touristiques, maintien de la continuité de service en cas de panne technique, et déploiement de procédures de sauvegarde manuelles fiables.
L’harmonisation européenne nécessitera une coordination sans précédent : formation coordonnée des agents frontaliers de 29 pays, standardisation complète des équipements biométriques, et établissement de procédures communes de gestion des incidents.
Concepts & Notions
Entry/Exit System (EES)
Système informatique automatisé de l’UE qui enregistre les données d’entrée et de sortie des ressortissants de pays tiers effectuant des séjours de courte durée, remplaçant le tamponnage manuel des passeports.
Données biométriques
Informations biologiques uniques (empreintes digitales, reconnaissance faciale) permettant l’identification certaine d’une personne, considérées comme des données sensibles sous le RGPD.
Espace Schengen
Zone de libre circulation comprenant 29 pays européens où les contrôles aux frontières intérieures sont supprimés, mais avec des contrôles renforcés aux frontières extérieures.
ETIAS (European Travel Information and Authorisation System)
Système d’autorisation de voyage qui exigera une demande préalable en ligne pour les ressortissants de pays exemptés de visa avant leur entrée dans l’UE.
eu-LISA
Agence européenne responsable de la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice.
Template biométrique
Représentation numérique des caractéristiques biométriques d’une personne, utilisée pour la comparaison et la reconnaissance automatisées sans conserver l’image originale.
Règle 90/180 jours
Principe européen limitant les séjours touristiques à 90 jours maximum sur toute période glissante de 180 jours dans l’espace Schengen, automatiquement calculé par l’EES.
Sources principales :
- Commission européenne - DG Migration et Affaires intérieures
- Règlement (UE) 2017/2226 du Parlement européen
- Secrétariat d’État aux migrations (SEM) - Confédération suisse
- Agence eu-LISA - Documentation technique EES